« Cession à la barre du tribunal » : derrière ce terme générique se cache en réalité deux procédures distinctes, le rachat d’une entreprise en difficulté pouvant avoir lieu différemment :

  • En redressement judiciaire : le Code de commerce organise un régime spécifique de cession d’entreprise en redressement;
  • En liquidation judiciaire : le Code de commerce dispose alors des conditions dans lesquelles les actifs du débiteur peuvent être cédés aux enchères publiques, ou de gré à gré, sur proposition de candidats repreneurs.

Tour d’horizon sur ces différents régimes et leurs spécificités.

I. Procédure de cession d’entreprise en redressement judiciaire

La matière est régie par les Articles L642-1 et R641-1 et suivants du Code de commerce.

Ce dispositif s’applique en cas de cession en redressement judiciaire, sous le contrôle d’un administrateur judiciaire. Un administrateur peut également être désigné à cette fin lorsque le tribunal autorise, à titre exceptionnel, une poursuite temporaire de l’activité dans le cadre d’une liquidation judiciaire.

Publicité préalable des offres

Sauf exception, tout projet de cession doit donner lieu à une publicité préalable, comme rappelé par l’Article L642-22 du Code de commerce. La publicité est le plus souvent réalisée par l’administrateur judiciaire grâce à des sites spécialisés, tels que par exemple :

  • CNAJMJ,
  • ASPAJ,
  • Maydaymag.

Certaines offres figurent également dans des journaux papier, tels que :

  • Les Échos (chaque vendredi) ;
  • L’auvergnat de Paris (chaque jeudi).

Contenu de l’offre

Pour présenter une offre de reprise, le candidat doit garder à l’esprit les objectifs poursuivis par le Code de commerce, à savoir : le maintien de l’activité, le maintien des emplois qui y sont attachés, et l’apurement du passif.

L’offre de reprise doit ainsi mettre en évidence ces objectifs. Le contenu de l’offre doit par ailleurs comprendre l’ensemble des indications prévues par l’Article L642-2 du Code de commerce, et notamment :

« 1°La désignation précise des biens, des droits et des contrats inclus dans l’offre ;
2° Des prévisions d’activité et de financement ;
3° Du prix offert, des modalités de règlement, de la qualité des apporteurs de capitaux et, le cas échéant, de leurs garants. Si l’offre propose un recours à l’emprunt, elle doit en préciser les conditions, en particulier de durée ;
4° De la date de réalisation de la cession ;
5° Du niveau et des perspectives d’emploi justifiés par l’activité considérée ;
6° Des garanties souscrites en vue d’assurer l’exécution de l’offre ;
7° Des prévisions de cession d’actifs au cours des deux années suivant la cession ;
8° De la durée de chacun des engagements pris par l’auteur de l’offre
 ».

L’offre doit obligatoirement être assortie d’une garantie bancaire, que le repreneur se propose de payer comptant ou, par exception, avec modalités de règlement dans le temps.

L’auteur de l’offre doit également y annexer :

  • Une attestation qu’il ne tombe pas sous le coup d’une interdiction de présenter une offre ;
  • Les comptes annuels des 3 derniers exercices et ses comptes prévisionnels, lorsqu’il est tenu de les établir.

Délai de remise et audience de désignation du candidat repreneur

Le délai de remise des offres est fixé par l’administrateur judiciaire. Les offres déposées après la date butoir sont irrecevables.

Le liquidateur dépose l’offre de reprise au greffe où tout intéressé peut en prendre connaissance.

L’offre ne peut être ni modifiée ni retirée. Elle peut en revanche être améliorée. Elle lie son auteur jusqu’à la décision du tribunal arrêtant le plan. Aucune modification ne peut être apportée moins de deux jours ouvrés avant l’audience d’examen des offres.

À noter toutefois qu’en cas de renvoi de l’affaire à une audience ultérieure, le tribunal peut fixer un nouveau délai pour la présentation de nouvelles offres ou l’amélioration des offres préalablement déposées.

Lorsqu’il statue, le tribunal arrête le plan de cession en retenant l’offre qui permet dans les meilleures conditions d’assurer le plus durablement l’emploi attaché à l’entreprise, le paiement des créanciers et qui présente les meilleures garanties d’exécution.

L’administrateur lorsqu’il en a été désigné un, passe ensuite tous les actes nécessaires à la réalisation de la cession.

Dans l’attente de la régularisation des actes, le repreneur demandera en général au tribunal d’assurer, sous sa responsabilité, la gestion de l’entreprise cédée.

Points particuliers à vérifier

Attention : outre les engagements souscrits, le tribunal peut valablement imposer au repreneur :

  • une clause d’inaliénabilité, pour une durée qu’il fixe, de tout ou partie des biens qui ont été cédés;
  • la transmission de la charge d’une sûreté qui garantit le paiement d’un crédit ayant servi à financer le bien sur lequel elle porte et qui a été cédé.

Le repreneur retenu par le tribunal devra donc payer au créancier les échéances convenues, à compter du transfert de la propriété, ou de la jouissance du bien en cas de location-gérance.

Le tribunal peut également imposer aux cocontractants la cession des contrats de crédit-bail, de location et fournitures de biens ou de services nécessaires au maintien de l’activité. Ces contrats doivent alors être exécuter aux conditions en vigueur au jour de l’ouverture de la procédure, malgré toute clause contraire.

II. Cession d’un bien dans le cadre d’une procédure de liquidation judiciaire

La matière est régie par les Articles L642-19 et suivants et R642-38 et suivants du Code de commerce.

Chronologiquement, une fois la liquidation prononcée, un inventaire des actifs de l’entreprise est réalisé. Le liquidateur se trouve alors en position de recevoir ou de susciter des offres d’acquisition pour le matériel, mobilier, véhicules, immeubles, fonds de commerce, etc. dont le débiteur est propriétaire.

La même règle de publicité qu’en matière de cession d’entreprise s’applique. La publication est généralement assurée sur les mêmes sites que ceux vus ci-dessus.

Alternative : vente de gré à gré ou vente aux enchères

Pour chaque bien, la loi permet d’organiser une vente de gré à gré si des offres se présentent, ou une vente aux enchères

La cession peut s’opérer soit « à la découpe », les actifs du débiteur étant vendus un à un, de manière éparse, soit « en bloc », ce qui revient à céder le fonds de commerce dans sa globalité, avec l’ensemble des éléments qui le composent.

Si une ou plusieurs offres se présentent, le liquidateur (en principe) présente une requête au Juge-commissaire, qui va le convoquer avec le débiteur, à une audience à l’issue de laquelle il prendra sa décision de retenir l’offre de son choix et éventuellement de rejeter les offres et d’ordonner la vente aux enchères.

Dépôt des offres sous pli cacheté et traitement par le Juge-commissaire

En principe, les candidats n’ont pas accès aux offres des autres candidats, les offres étant normalement présentées sous pli cacheté et ouverte à l’audience du Juge-Commissaire.

Les candidats n’ont pas non plus la possibilité d’améliorer leur offre : ce point constitue une différence majeure avec la cession d’entreprise en redressement judiciaire, procédure au cours de laquelle les candidats peuvent consulter les autres offres déposées au greffe par l’administrateur, afin de pouvoir améliorer la leur le cas échéant.

La décision du Juge-commissaire

Une fois rendue, la décision du Juge-commissaire est déposée au greffe, ouvrant un délai de recours de 10 jours. À l’expiration de ce délai, le liquidateur met en place la vente dans les conditions de droit commun.

Si aucune offre n’est retenue ou s’il n’en existe pas, le Juge-commissaire, selon le même processus, ordonne la vente aux enchères : pour les meubles ce sont les commissaires priseurs qui en seront chargés ; sauf décision particulière du Juge-commissaire, ils organisent les lots, les mises à prix et le calendrier de la vente comme ils le souhaitent.

Pour les immeubles, le Juge-commissaire fixe les conditions de la vente (mise à prix notamment) la vente étant faite aux enchères devant le Juge de l’exécution dans les formes de la saisie immobilière, ou devant notaire par adjudication amiable.

Critère de sélection des offres

Contrairement aux idées reçues, l’administrateur judiciaire ou le liquidateur n’ont pas de pouvoir discrétionnaire pour désigner les repreneurs. C’est au tribunal, ou le cas échéant au Juge-Commissaire qu’il appartient de se prononcer sur les offres reçues et de désigner le candidat repreneur.

En outre, l’objectif poursuivi en liquidation est le paiement des créanciers : ainsi, à priori, le Juge-commissaire se détermine purement et simplement en faveur du plus offrant.

C’est une autre différence majeure avec la cession d’entreprise en redressement, procédure ayant également pour objectif d’assurer le maintien de l’emploi. Si bien que le candidat retenu en cas de cession en redressement n’est pas forcément le plus offrant en termes de prix, mais peut être celui proposant le meilleur projet, assurant un maintien dans le temps de l’entreprise et des emplois.

Points d’attention particuliers

En matière de reprise dans le cadre d’une liquidation, le repreneur n’a pas à assumer le transfert des sûretés : le prix proposé est ainsi net vendeur, sans supplément autre que les frais d’acte et le cas échéant les droits fiscaux.

Deux tempérances doivent toutefois être apportées, et le repreneur doit être vigilant :

  • Aux clauses de solidarité inversée, s’il en existe dans le bail ;

Ces clauses prévoient que le cessionnaire est garant du cédant au titre des arriérés de loyers impayés. Or ce type de clause est admis en liquidation en cas de cession d’actif du débiteur, si bien que le repreneur du fonds de commerce (ou du droit au bail) d’une entreprise en liquidation peut être tenu de payer les arriérés de loyer du cédant.

Depuis la loi Pacte en revanche, les clauses de solidarité inversée ne trouvent pas à s’appliquer en cas de cession d’une entreprise en redressement judiciaire.

  • Priorité de réembauchage des salariés licenciés

En effet, en application des dispositions des Articles L1233-43 et L1233-45 du Code du travail, les salariés licenciés dans le cadre d’une liquidation judiciaire bénéficient d’une priorité de réembauchage dans les conditions prescrites auxdits Articles.

L’Article 1224-1 du Code du travail prévoit ainsi que pour les salariés licenciés dans le cadre de la procédure de liquidation, la cession d’un fonds de commerce ou d’un élément du fonds de commerce entraîne juridiquement, de plein droit le transfert d’une entité économique autonome et par voie de conséquence la possibilité pour le salarié licencié de solliciter la poursuite de son contrat de travail auprès du repreneur, le licenciement pouvant être déclaré privé d’effet.

Le repreneur devra donc être attentif aux risques de reprise des salariés licenciés, et anticiper éventuellement le coût de cette masse salariale.

Baptiste Robelin – Avocat – Droit des affaires

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Rachat d’un fonds de commerce à la barre du tribunal : comment déposer une offre ?